Vers un monde dystopique
À l’étroit sur la feuille de papier, Hoh Woojung transpose sur la toile le noir et blanc de ses dessins. Ce passage d’un médium à un autre lui permet de trouver un espace de narration plus ample pour développer les sujets de sa peinture. C’est à travers l’actualité, la politique et la société coréenne qu’il va trouver un point d’ancrage à son travail. Parmi les informations délivrées par les médias, l’artiste pointe les scandales à répétition, la corruption, le mensonge des dirigeants et l’oppression des individus dans les systèmes capitalistes. Cette indignation va nourrir chez lui tout un imaginaire noir emprunté à la bande dessinée, à la science-fiction et au cinéma. Ses peintures aux compositions très élaborées et aux atmosphères oppressantes saisissent celui qui regarde et lui proposent des espaces de projection et de questionnement.
À partir d’un fait de société, Hoh Woojung recourt à la dystopie pour générer sur la toile des mondes crépusculaires voués à la catastrophe. Son imaginaire restitue à travers des atmosphères menaçantes le sentiment d’impuissance face au réel. Les images qui défilent en un flot constant sur les écrans finissent par perdre de leur force et leur capacité de mobilisation. Les peintures de Hoh Woojung amènent une réflexion que l’image véhiculée par les médias n’est plus capable de produire. L’utilisation de la fiction dans ses œuvres, neutralise le réel et le transforme en un monde de signes et d’allusions énigmatiques.
Le langage formel emprunté à la bande dessinée dans le travail de Hoh Woojung est celui des comics japonais ou coréens. Ces dessins publiés dans les journaux populaires tendent un miroir à la société. Parmi les effets tirés des cartoons, on retrouve le cadre très resserré qui agit comme un focus sur l’action. Des zooms viennent éclairer des situations où se jouent des périls à venir. L’utilisation de lignes verticales bloque la profondeur et rassemble le sujet à la surface du tableau. De grandes diagonales donnent une impression de mouvement ascendant ou descendant comme dans Écroulement ou Slogan. Selon les codes de la bande dessinée, l’usage des bulles est utilisé pour raconter ce que l’on ne voit pas dans les images. Dans les peintures de Hoh Woojung, elles sont vides ou plus exactement vidées comme dans Conversation où elles révèlent une impossibilité de dialogue entre deux hommes. En aplat sur la composition, les onomatopées retentissent comme des avertissements. Ce processus qui donne aux mots une perception sonore vient ajouter une dimension temporelle aux tableaux. L’observateur est face à une action qui se déroule sous ses yeux. Tous ces effets puisés dans les comics donnent une dynamique à l’histoire et fait circuler le regard à l’intérieur de la composition.
Si la bande dessinée a été utilisée comme une source de création en peinture, elle est souvent associée au mouvement du Pop Art. Ici, les intentions en sont définitivement très éloignées. Les influences de l’artiste sont à rechercher du côté de l’art de Giorgio de Chirico et le symbolisme de sa période métaphysique ou du côté de l’expressionnisme abstrait de Philip Guston. Hoh Woojung partage avec ce dernier le traitement de certains sujets dans son œuvre et il intègre comme lui dans ses peintures les figures masquées du Ku Klux Klan. Ces personnages connus comme ceux de l’empire invisible sont ici le symbole des violences sociales. La technique de la peinture à l’huile lui permet de revenir sur sa composition et de jouer sur les effets de matière pour donner un aspect plus brut à ses toiles. Sa palette d’un noir et blanc très profond renforce l’intensité dramatique de ses scénarios. Les jeux d’ombres viennent accentuer l’atmosphère tendue et angoissante des peintures.
Comme la bande dessinée, le cinéma et l’histoire de la peinture tiennent une place importante dans l’œuvre de Hoh Woojung. Le côté très frontal de ses compositions, comme dans Maison abandonnée, rappelle les plans d’un film. L’impression inquiétante présente dans ce tableau remémore l’atmosphère de Shinning réalisé par Stanley Kubrick d’après l’adaptation du roman de Stephen King. Une autre de ses toiles fait penser à une gravure de Dürer, Melencolia. Dans cette peinture, Le Labyrinthe exprime un monde sans issue où l’homme produit son propre enfermement. Dans cette mise en abîme de ce dédale, un dernier zoom indique que ce monde sur lequel tout repose est prêt à s’effondrer.
Sans être prophétique, les peintures de Hoh Woojung d’un onirisme noir sont empreintes d’une grande mélancolie. Pour appréhender le monde à venir, il est nécessaire de regarder ces peintures pour saisir l’enjeu que représente la place de l’individu au cœur de la société. Pour ne pas être seulement Spectateur comme l’indique le titre d’une de ses peintures et pouvoir devancer les mutations de la société. Les œuvres de Hoh Woojung sont d’une grande vigueur picturale et posent des hypothèses fictionnelles qui constituent une voie pour élargir le champ des expériences de la pensée.
Dominique Pineau, octobre 2015
À l’étroit sur la feuille de papier, Hoh Woojung transpose sur la toile le noir et blanc de ses dessins. Ce passage d’un médium à un autre lui permet de trouver un espace de narration plus ample pour développer les sujets de sa peinture. C’est à travers l’actualité, la politique et la société coréenne qu’il va trouver un point d’ancrage à son travail. Parmi les informations délivrées par les médias, l’artiste pointe les scandales à répétition, la corruption, le mensonge des dirigeants et l’oppression des individus dans les systèmes capitalistes. Cette indignation va nourrir chez lui tout un imaginaire noir emprunté à la bande dessinée, à la science-fiction et au cinéma. Ses peintures aux compositions très élaborées et aux atmosphères oppressantes saisissent celui qui regarde et lui proposent des espaces de projection et de questionnement.
À partir d’un fait de société, Hoh Woojung recourt à la dystopie pour générer sur la toile des mondes crépusculaires voués à la catastrophe. Son imaginaire restitue à travers des atmosphères menaçantes le sentiment d’impuissance face au réel. Les images qui défilent en un flot constant sur les écrans finissent par perdre de leur force et leur capacité de mobilisation. Les peintures de Hoh Woojung amènent une réflexion que l’image véhiculée par les médias n’est plus capable de produire. L’utilisation de la fiction dans ses œuvres, neutralise le réel et le transforme en un monde de signes et d’allusions énigmatiques.
Le langage formel emprunté à la bande dessinée dans le travail de Hoh Woojung est celui des comics japonais ou coréens. Ces dessins publiés dans les journaux populaires tendent un miroir à la société. Parmi les effets tirés des cartoons, on retrouve le cadre très resserré qui agit comme un focus sur l’action. Des zooms viennent éclairer des situations où se jouent des périls à venir. L’utilisation de lignes verticales bloque la profondeur et rassemble le sujet à la surface du tableau. De grandes diagonales donnent une impression de mouvement ascendant ou descendant comme dans Écroulement ou Slogan. Selon les codes de la bande dessinée, l’usage des bulles est utilisé pour raconter ce que l’on ne voit pas dans les images. Dans les peintures de Hoh Woojung, elles sont vides ou plus exactement vidées comme dans Conversation où elles révèlent une impossibilité de dialogue entre deux hommes. En aplat sur la composition, les onomatopées retentissent comme des avertissements. Ce processus qui donne aux mots une perception sonore vient ajouter une dimension temporelle aux tableaux. L’observateur est face à une action qui se déroule sous ses yeux. Tous ces effets puisés dans les comics donnent une dynamique à l’histoire et fait circuler le regard à l’intérieur de la composition.
Si la bande dessinée a été utilisée comme une source de création en peinture, elle est souvent associée au mouvement du Pop Art. Ici, les intentions en sont définitivement très éloignées. Les influences de l’artiste sont à rechercher du côté de l’art de Giorgio de Chirico et le symbolisme de sa période métaphysique ou du côté de l’expressionnisme abstrait de Philip Guston. Hoh Woojung partage avec ce dernier le traitement de certains sujets dans son œuvre et il intègre comme lui dans ses peintures les figures masquées du Ku Klux Klan. Ces personnages connus comme ceux de l’empire invisible sont ici le symbole des violences sociales. La technique de la peinture à l’huile lui permet de revenir sur sa composition et de jouer sur les effets de matière pour donner un aspect plus brut à ses toiles. Sa palette d’un noir et blanc très profond renforce l’intensité dramatique de ses scénarios. Les jeux d’ombres viennent accentuer l’atmosphère tendue et angoissante des peintures.
Comme la bande dessinée, le cinéma et l’histoire de la peinture tiennent une place importante dans l’œuvre de Hoh Woojung. Le côté très frontal de ses compositions, comme dans Maison abandonnée, rappelle les plans d’un film. L’impression inquiétante présente dans ce tableau remémore l’atmosphère de Shinning réalisé par Stanley Kubrick d’après l’adaptation du roman de Stephen King. Une autre de ses toiles fait penser à une gravure de Dürer, Melencolia. Dans cette peinture, Le Labyrinthe exprime un monde sans issue où l’homme produit son propre enfermement. Dans cette mise en abîme de ce dédale, un dernier zoom indique que ce monde sur lequel tout repose est prêt à s’effondrer.
Sans être prophétique, les peintures de Hoh Woojung d’un onirisme noir sont empreintes d’une grande mélancolie. Pour appréhender le monde à venir, il est nécessaire de regarder ces peintures pour saisir l’enjeu que représente la place de l’individu au cœur de la société. Pour ne pas être seulement Spectateur comme l’indique le titre d’une de ses peintures et pouvoir devancer les mutations de la société. Les œuvres de Hoh Woojung sont d’une grande vigueur picturale et posent des hypothèses fictionnelles qui constituent une voie pour élargir le champ des expériences de la pensée.
Dominique Pineau, octobre 2015